Après avoir scruté les cieux et les nuages, Reynald Drouhin s’attaque aujourd’hui aux nouvelles expériences esthétiques qu’offrent désormais Internet et les moteurs de recherche dans leurs combinaisons aléatoires et les méandres du réseau.

Texte : Par Agathe Attali

De Reynald Drouhin, on connaît souvent les Vues du ciel, sortes de patchwork de photographies célestes réalisés lors de la résidence aux Maisons Daura à Saint-Cirq Lapopie. Le plasticien se plaît à coller ensemble des photographies pour en créer un panorama aux contours et démarcations visibles, jouant sur la multiplication des points de vue que la photographie rend possible.
Les prises de vue se chevauchent et se complètent, créant un amas de clichés assemblés qui semble reproduire la forme éphémère et changeante des nuages. On en retient une sorte de poésie des cumulus et autres dépressions météorologiques, ces accidents qui empêchent l’homme de contempler l’immensité céleste.

L’installation réalisée pour l’exposition «L’Emoi de l’image» renoue davantage avec la démarche du Web art au fondement du site incident.net auquel participe Reynald Drouhin.
Prenant appui sur le processus génératif des moteurs de recherche, l’installation des Monochrome(s) RVB — pour Rouge, Vert et Bleu— est constituée de caméras qui projettent sur le mur des pseudo-monochromes de forme carrée à l’intérieur desquels les images défilent selon un système d’emboîtement. Il s’agit en fait d’images obtenues sur des moteurs de recherche à partir de mots-clés tels que « red », « green » ou « blue ». A la manière dont Rimbaud s’intéressait dans Mémoire aux sonorités des mots pour créer des atmosphères auditives, Reynald Drouhin accroche à ce fil ténu de la couleur une ribambelle de photographies, d’images et de dessins.

Le « monochrome » est un assemblage de ces images obtenues qui défilent dans l’ordre aléatoire de leur apparition, dévoilant le caractère arbitraire et déceptif des recherches sur le réseau. Car le moteur de recherche propose un flux indistinct d’images, méprisant toute hiérarchisation dans les données obtenues. Le résultat en est un défi à la capacité de l’œil et du cerveau humain à faire la synthèse des images perçues pour en tirer une signification.
Les images déroulent dans cet ordre qui nous paraît assez arbitraire, même si certaines associations peuvent être considérées comme attendues à l’instar des photographies de végétaux dans «Green» ou des images de propagandes communistes dans «Red».
Plus fondamentalement, si les Monochrome(s) RVB sont une réflexion sur le réseau Internet et l’afflux des images dans nos sociétés; il renoue par ailleurs avec la tradition picturale en en proposant une version reouvelée et actuelle.
On peut d’ailleurs se rapporter au parallèle assez pertinent qu’avait fait Carole Rinaldi au cours de l’exposition «Sans titre» en 2006: « Avec ses « trois couleurs fondamentales » exposées en 1921, Aleksandr Rodtchenko avait conduit la peinture à sa conclusion logique» en présentant trois tableaux peints en aplat intitulés Jaune Rouge Bleu. La projection du triptyque Monochrome(s) RVB de Drouhin entre en résonance avec l’oeuvre de Rodtchenko, car «R V B» ou «Rouge Vert Bleu», évoque les trois couleurs constituant le pixel. »
L’incident est donc ici produit par les combinaisons aléatoires du réseau, dont la traduction figure ces monochromes, expression contemporaine et numérique d’une tradition picturale.

Oeuvre(s)
Reynald Drouhin
Monochrome(s) RVB, 2005. Installation multimédia.
Monochrome(s), 2006. Tirages lambda sur diasec avec chassis aluminium.

http://www.paris-art.com/numerique/numerique/4435/reynald-drouhin-l-emoi-de-l-image.html