https://www.artshebdomedias.com/

Si la gestion de la crise sanitaire a bel et bien mis en berne, le monde des arts et de la culture, cela ne vous aura pas échappé, les institutions, galeries et musées redoublent d’effort pour nous faire partager leurs programmations en ligne (cf notre article). Expérimentée dès le milieu des années 1990 par quelques institutions pionnières dans le monde, cette pratique fut présentée non plus comme le volet virtuel d’un événement grandeur nature mais bien comme une exposition en soit, lorsqu’en 2011 Thomas Cheneseau, artiste curateur et enseignant chercheur, mit en œuvre, avec l’artiste pionnier du netart, Systaime, le SPAMM pour SuPer Art Modern Museum, le Musée des Arts Supermodernes. Or cette année avec la complicité renouvelée du directeur du festival accès)s( à Pau, Jean-Jacques Gay, qui soutient le projet depuis sa création, Cheneseau revient sur vingt ans de création connectée, dans une exposition virtuelle historique XX, sélectionnant vingt aficionados internationaux du web, pour les vingt ans du festival, qui se déploie jusqu’au 12 décembre autour d’une exposition d’art contemporain numérique (commentée dans nos colonnes) Melting point, d’une médiathèque « vintage », L’Ordinatrice mise en scène par l’artiste Agnès de Cayeux et ses complices autour d’ateliers dédiés à la culture Geek et de bien d’autres événements.

Pour l’heure, voici quelques clefs d’entrée dans les limbes de l’exposition en ligne XX, avec son commissaire qui non content d’avoir consigné cent œuvres dans Le SPAMM en 2011 profita la même année, d’une visibilité assurée lors du festival Futur en Seine, à Paris, pour « usurper » le profil facebook de Marcel Duchamp qu’il proposa même de commercialiser ! Thomas Cheneseau enseigne aujourd’hui les nouveaux médias à l’école de design de nouvelle-aquitaine où il vient de créer un laboratoire dédié aux productions en réalité augmentée, tandis que son travail artistique, souvent réalisé en binôme, circule sur les scènes électroniques internationales.

Marcel Duchamp, profil Facebook, capture d’écran, 2011 ©T. Cheneseau

ArtsHebdoMédias. – Avant d’aborder votre nouvelle curation pour XX, peut-on revenir sur le contexte qui vous a donné envie de créer le SPAMM ?  

Thomas Cheneseau. – A l’époque il a été pensé comme un portail, puisqu’il piratait la forme du site du Musée d’Art moderne de la Ville de Paris. Avec Systaime, nous avons repris l’idée de Fred Forest qui était notre héraut du Net Art, et avait créé en 2000 le Webnetmuseum. La technique était naissante, les œuvres restaient figées. Quand le Web 2.0 est arrivé, avec beaucoup plus de facilités pour intégrer du contenu, nous avons eu le désir de montrer les artistes qui nous passionnaient. L’idée était de s’y promener et de cliquer à l’envi pour avoir accès à un clip du musicien et graphiste Jankenpopp, faisant de Britney Spears une icône pop épuisée, ou bien pour y découvrir le projet en ligne All Over de Samuel Bianchini ou encore les expérimentations glitch de Rosa Menkman.

SPAMM, Systaime & Cheneseau, capture d’écran, 2011 ©T. Cheneseau


Nous voulions rassembler, montrer « notre » art contemporain et les nouvelles pratiques populaires de la révolution que nous étions en train de vivre. Nous y avons intégré 50 puis très vite 100 œuvres d’artistes issus du monde entier. Plusieurs web gallery avaient vu le jour entre 2009 et 2013 que l’on peut retrouver sur An Incomplete Timeline of Online Exhibitions and Biennials réalisée par Oliver Laric pour Rhizome, une liste qui se veut exhaustive des projets d’exposition en ligne entre 1991et 2013. SPAMM était dans l’ère du temps, nous avons bénéficié d’un relai international par les artistes et la presse, dont une belle double page dans la section Next de Libération.Mais si aujourd’hui, vous cliquez sur Spamm, vous ne retrouverez pas du tout les mêmes œuvres en ligne, le projet a changé. Je m’en suis dissocié en 2014 après une belle aventure.

Quel a été le déclencheur de l’exposition XX  ?

J’avais déjà travaillé avec Jean-Jacques Gay pour le lancement du SuPer Art Modern Museum en 2011 dont il a écrit le manifeste traduit en anglais, qui a largement contribué au succès du projet outre-Atlantique, sur un commissariat commun pour ARTE (l’exposition Vanity) et l’exposition Unlike à Poitiers dont j’assurais le commissariat en 2016, lui l’éditorial.

Affiche de l’exposition Unlike, 2016

Il y a environ six mois lorsque Jean Jacques a pris la direction du Festival acces)s( à Pau, il m’a proposé de réfléchir avec lui à une exposition virtuelle dont l’idée forte était de revenir sur  20 ans de création en ligne. Or commencer un historique à partir de l’année 2000 me contrariait un peu, tant la charnière du passage de la fin des années 1990 au 21esiècle est importante.
Au fur et à mesure de nos discussions, nous avons ouvert le champ aux origines du netart et réalisé XX comme une exposition d’œuvres aux formats variés :  du gif avec Françoise Gamma, de la vidéo performance avec Faith Holland, de la vidéo d’avatar avec La Turbo Avedon, des sites internet avec ceux de Reynald Drouhin, ou de Rafaël Rozendaal, ou encore, de la documentation de performance avec Cornelia sollfrank…. Aujourd’hui le bilan est très positif car tous les artistes contactés ont répondu présents, et le site est très visité en ces temps de confinement !

 

Pourquoi ce nom XX ?

XX fait référence aux 20 ans du festival et à l’année 2020. La prochaine exposition en 2021 pourrait se nommer XXI. Le site XX hébergé par acces)s( a la même url que l’association avec le XX devant xx.acces-s.org. Lorsque Jean-Jacques Gay a eu cette idée, nous avons tous apprécié la simplicité de cette proposition.

Cartel  20 ans du Festival accès)s( à Pau, Melting Point 2020 ©orevo

Sur quels critères esthétiques avez-vous sélectionné les artistes ? 

XX n’est pas une exposition virtuelle mais une exposition d’œuvres virtuelles conçues pour être vues sur un écran, un laptop, une tablette ou un smartphone. Ma première approche a été d’apporter un complément artistique à l’exposition physique Melting Point, qui dans l’espace du Bel ordinaire à Pau, convoque de nombreuses personnalités de la création numérique française. XX y apporte une dimension plus internationale. Finalement, nous avons dressé une chronologie qui démarre en 1996 avec le site Mouchette de Martine Neddam – une des toutes premières œuvres de netart –, et se termine avec E-xhibition d’Andy Picci, une exposition de filtres Instagram, réalisée pendant le premier confinement de mars à mai.

Mouchette.org, Martine Neddam, capture d’écran 2020

Nous nous sommes concentrés sur des interactivités particulières ou sur des esthétiques fortes très identifiables comme l’œuvre My boyfriend came back from the war d’Olia Lialina, mais aussi sur des personnalités telles que JODI dont des travaux incontournables ou les expériences ont marqué l’histoire de l’art en ligne  – soit par leur façon d’appréhender l’histoire en question, avec Ivan Argote, ou « de faire collection » avec Emile Gervais et Félix Magal, ou encore pour leur regard critique comme celui de Constant Dullaart sur les GAFA… Des œuvres, comme Mouchette par exemple, développaient de nouveaux usages ou de nouvelles narrations ; toutes proposent tout simplement un nouvel art contemporain qui utilise les technologies de création, de diffusion et de collection de son temps.

Vous êtes-vous confrontés à des difficultés techniques quant à la conservation ou la réactivation des œuvres ?

Pour réaliser XX, avec l’objectif d’y accueillir le maximum de formats d’œuvres en ligne, nous avons travaillé avec Julien Bidoret, designer numérique et enseignant à l’École supérieure d’art et de design des Pyrénées. Son expertise nous a permis de baliser le site sur des fondamentaux de l’édition web – du choix des typographies à l’emploi de l’esthétique ASCII en background. Certains projets ne pouvaient tout simplement pas être intégrés sur le site, à cause des « iframes » – les iframes servent à intégrer d’autres pages web dans un même site. Ce fut le cas du profil Instagram d’Amalia Ulman pour lequel nous avons choisi une archive officielle affichée sur Rhizome.org, mais aussi de Window93 de Jankenpopp, Dynamic Anémic Cinema d’Ivan Argote, ou encore d’E-xhibition d’Andy Picci : un lien renvoie directement vers les projets initiaux.

Dynamic Anémic Cinema, Ivan Argoten show off 2013 © capture Thomas Cheneseau

Pour différentes raisons – comme la censure de l’époque ou la disparition imminente de la technologie Flash –, Je suis ton ami(e)… tu peux me dire tes secrets de Nicolas Frespech n’est plus tout à fait accessible par exemple. Aujourd’hui avec acces)s( nous réfléchissons à une solution pour conserver cette pièce fragile de Frespech mais ça prendra du temps. En attendant nous avons restauré un travail très connu de Miltos Manetas, http://jacksonpollock.org réalisé en 2003, initialement sous Flash, que nous avons adapté au format html5. L’œuvre avait remporté un Webby Awards en 2009. La vocation de XX consiste donc à exposer l’histoire de la création en ligne dans sa diversité de contenus, mais aussi de dépasser certaines contraintes techniques afin de restaurer et d’y exposer des œuvres qui en soi peuvent représenter tout un site.

Les artistes montrés ont-ils toujours une pratique web ou bien ont-ils adopté d’autres supports ou médias ? 

Les artistes sont tous des plasticiens avec une pratique pluridisciplinaire. Le web est pour eux un outil de production parmi d’autres mais qui est voué par nature à la diffusion et au partage de contenus. Par exemple, Claude Closky dont on expose Good Direction (2008) qui remportait le prix Marcel Duchamp en 2005 développe depuis toujours un corpus d’œuvres élargi à l’édition, à l’installation ou encore à la photographie.

Claude Closky, Good Direction, 2008, capture d’écran ©C. Closky

C’est aussi le cas de Jan Robert Leegte, autre pionnier du netart, qui a le souci de matérialiser son travail internet sous forme d’objets et de mises en scène qui nous poussent à sortir des limites de l’écran : il faut voir son exposition La nature reconfigurée, proposée par le Centre d’art d’Enghien-les-Bains jusqu’au 20 décembre ! Enfin Reynald Drouhin, initiateur de la plateforme de netart, incident.net créée en 1994, réalise lui aussi des sculptures, des objets et des photographies. Cela étant, d’autres artistes comme Françoise Gamma, que l’on connait pour ses gifs édités pour le collectif Computer Club, JODI (un duo de deux net artistes – la Néerlandaise Joan Heemskerk et le Belge Dirk Paesmans –  basé aux Pays-Bas,  ndlr) et ses sites graphiques « glitch », ou encore Zach Lieberman, qui a créé OpenFrameworks, un outil C++ en open source et qui diffuse largement son travail vidéo sur Instagram, sont des icônes de la culture web et affirment davantage un travail in situ pour écran.

A performing landscape, Jan Robert Leegte,  2020, ©Jan Robert Leegte

Pensez-vous que le netart ce soit un art passé de mode ou au contraire envisagez-vous le retour d’un âge d’or ? 

Selon Jean-Paul Fourmentraux le terme de netart désigne des créations interactives conçues par, pour et avec le réseau Internet, par opposition aux formes d’art plus traditionnelles transférées sur le réseau. Cette courte définition qui est la plus admise correspond toujours aux créations d’aujourd’hui qui entrent dans ce cadre. Depuis 1994, le réseau est l’outil incontournable de notre époque : outil de communication, de création et d’émancipation de la société, des artistes et de leurs pratiques…

JODI archives, capture 2020 ©orevo

Le netart continue d’écrire son histoire. Dans ce parcours sur l’art en ligne que l’on démarre en 1996 avec XX, on retrouve les codes esthétiques et sociétaux qui correspondent aux évolutions technologiques des deux dernières décennies mais aussi à l’exploration d’usages liés aux réseaux, tels que le détournement et le buzz avec Jankenpopp, l’exploitation de la liberté d’expression et ses limites avec Nicolas Frespech, l’émulation de fausses identités ou la performance en ligne avec Cornelia Sollfrank…

Monochrome(s) N., Reynald Drouhin, 2006, tirage lambda sur diasec avec chassis aluminium, 84,67 x 84,67 cm.. ©R. Drouhin

Qu’on y poursuive des recherches sur le scénario interactif d’une œuvre avec Martine Neddam ou Olia Lialina,  la création de gifs avec cette dernière et Françoise Gamma, la défragmentation du web avec Reynald Drouhin, le folklore internet avec Emilie Gervais et Félix Magal, l’animation d’avatar par la 3D avec La Turbo Avedon, la réalité augmentée avec Andy Picci ou qu’on y voie apparaitre de nouveaux mouvements esthétiques, comme le Neen art de Miltos Manetas etc., depuis que le réseau s’est installé dans nos vies de façon permanente, je pense que des œuvres plus anciennes autant que les plus récentes sont mieux perçues et davantage comprises dans la culture populaire qui dépasse largement les cercles du milieu de l’art et de son marché. La créativité sur internet est toujours en plein essor.

http://jacksonpollock.org, Miltos Manetas, 2003 ©M. Manetas

Les esthétiques et les protocoles des œuvres évoluent constamment et il est difficile de prévoir les prochains renversements artistiques même si l’histoire de l’art nous apprend que les grands artistes émergent par opposition aux dogmes ou aux façons de faire qui s’institutionnalisent. C’est ce qui me passionne et qui me pousse à m’inscrire dans cette aventure historique en participant à des événements comme Melting Point.

Ne croyez-vous pas que les réseaux sociaux ont pris le relais ? Et que pensez-vous de leur pérennité ? 

Les réseaux sociaux sont un des leviers importants de la créativité sur internet car ils permettent un partage des contenus et un retour d’impression immédiat de la part d’autres utilisateurs. Aujourd’hui la dynamique est très forte sur Instagram où aux côtés des artistes, on retrouve des acteurs importants de la scène artistique internationale tels que les curateurs, les critiques ou les directeurs de galerie et de centres d’art.

Paysage des Pyrénées, Marina Vaganova, 2020, capture d’écran ©T.Cheneseau

C’est pourquoi en parallèle de l’exposition XX, j’ai lancé pour le festival acces)s( une résidence Instagram, où j’invite chaque semaine un artiste à prendre en main le compte pour y partager un projet original et y associer son réseau d’abonnés, de « followers », afin d’en amplifier la visibilité au fur et à mesure des posts. Depuis septembre j’ai notamment invité Marina Vaganova, Anne Horel, Fabien Zocco, Marie Molins, Aurélien Bambagioni, Ben Elliot… Le principe est simple :  je change le mot de passe du compte pour chaque artiste qui est libre d’utiliser les actions d’Instagram comme il le souhaite. Les « stories » permettent d’archiver sur le compte, le passage de chacun d’eux. Ce projet s’inscrit dans la continuité de Gallery Online que j’ai animée, entre 2012 et 2017, avec le New-yorkais Ronen Shai, et qui était alors localisé sur Facebook avec le même principe d’invitation, de cooptation et de « take over », « prise du contrôle ».

 Que pensez-vous vous de cette appellation esthétique : « le post-internet » qui semble être une récupération dans d’autres champs – vidéo clip, danse, arts plastiques … – de l’esthétique web et comment la définiriez-vous ?

Le mouvement post-internet a fait grand bruit ces dernières années. Je crois qu’il a été nécessaire pour définir et comprendre les nouvelles pratiques esthétiques des artistes et mieux les situer dans la continuation de l’histoire de l’art car selon le postulat post-internet : « L’internet influence jusqu’à la manière dont nous percevons le monde », le terme décrit les pratiques des artistes qui, contrairement à celles des générations précédentes, utilisent le web juste comme un autre médium, comme la peinture ou la sculpture. Leurs œuvres se déplacent de manière fluide entre les espaces apparaissant parfois sur un écran, d’autres fois exposées dans une galerie.

Image Objects, installation view, Artie Vierkant, 2013. Impression UV sur Dibond, document altéré / UV prints on Dibond,©Artie Vierkant

Le « post-internet » est une continuité du netart sorti de l’écran pour se matérialiser sous la forme d’objets comme on peut le voir dans Image objects, installation View d’Artie Vierkant, depuis 2011 (1) ou d’autres installations comme celles de Co-workers, Le réseau comme artiste, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris en 2015. Le mouvement post-internet s’ancre aussi dans une dimension plus large qu’est le « post-digital » ou « post-numérique » qui définit le réseau comme une seconde nature, constante et omniprésente, et qui bouleverse notre rapport au monde, à l’art et aux relations que l’on a avec les œuvres d’aujourd’hui. Ces préoccupations concernent donc tous les champs artistiques des arts plastiques à la danse, jusqu’à l’écriture ou le théâtre qui intègrent de plus en plus les nouvelles technologies dans leur processus de production (capteurs, interactivité, automatisation, streaming…). Pour mieux comprendre ces articulations théoriques j’ai suivi le cycle de conférences Post-digital de l’ENS mené par Grégory Chatonsky. Les interventions de personnalités comme André Gunthert, Nicolas Nova ou Yuk Hui – pour ne citer qu’eux – permettent de clarifier les questionnements et les différentes prises de position sur ce sujet. J’ai également entre 2016-2017 suivi une année de recherche à l’EnsadLab (le laboratoire en art et design de l’Ecole National Supérieure des Arts Décoratifs) dans le groupe de recherche Displays, la recherche par l’exposition dans la condition Post-numérique coordonné par Thierry Fournier (artiste, curateur et chercheur) et J. Emil Sennewald (critique, journaliste et enseignant-chercheur).

Dans le cadre du festival, vous deviez animer un atelier dans l’espace Ordinatrice ? Qu’aviez-vous prévu ?

J’avais pensé pour cet atelier, proposer aux participants de « matérialiser » de toutes les façons possibles les 20 œuvres qui se trouvent sur le site XX. Il a été annulé à cause du confinement, mais c’était l’occasion d’explorer physiquement ces créations et de se poser des questions sur les notions du média et du médium développées par Marshall Mc Luhan. J’étais en principe le quatrième et dernier artiste invité par Agnès de Cayeux à intervenir dans l’Atelier Ordinatrice et j’avais également envisagé d’aborder l’espace de l’Atelier comme un palimpseste dans lequel nous allions superposer une dimension de réalité augmentée sur le travail effectué par les intervenants précédents. L’idée était de déployer des contenus multimédias (images, vidéos, 3D, etc.) accessibles par tous à partir de smartphones et tablettes avec l’application Artivive.

Espace-atelier Bel ordinatrice, proposé par Agnès de Cayeux ©orevo

Je voulais enfin, de façon plus expérimentale, jouer avec un casque Hololens 2 qui permet de réaliser des hologrammes en HD dans l’espace. Je travaille avec la réalité augmentée depuis la réalisation du projet Banalité Augmentée, qui a été exposé à La Coursive, la scène nationale de La Rochelle, en 2018 pendant le festival ZERO1 mené par Diego Jarak. Mes recherches dans ce domaine se sont affirmées avec ma série de photographies #NaturalGlitch qui est une réflexion sur le paysage : ces images sont éditées directement avec mon smartphone et l’application Glitché, puis partagées sur les réseaux sociaux.

#NaturalGlitch, Thomas Cheneseau 2020

Rendez-vous sur xx.acces-s.org où vous pourrez retrouver autant d’œuvres exploratoires ou bien manifestes de nos usages électro-numériques.

Hekkah n’est pas un bot

« Hekkah, je publie donc je suis est une installation réalisée avec l’artiste et programmeur Raphaël Isdant. Le projet a débuté en 2011 dans le cadre de l’exposition Regard d’artistes sur les médias sociaux, organisée par Média Cité, du 1er août au 1er novembre 2011, à Cap Sciences Bordeaux. A l’origine, ce projet était localisé sur Facebook : il s’agissait de « hacker » le nouveau réseau social. Il y a 10 ans, il était encore possible de créer un API, une application, pour récupérer les données issues des newsfeeds (les fils d’actualités) des utilisateurs et d’alimenter ainsi un flux d’images typographiques à partir des textes, à la source de l’œuvre : Hekkahest un avatar que nous avons créé et qui se révèle par l’actualité de ses followers. Bien plus qu’un bot c’est une entité numérique omnisciente et curieuse qui habite les réseaux sociaux dans le but de se nourrir de nos vies quotidiennes. Issus des flux qu’elle incarne, les contours de sa forme ne sont visibles qu’à travers l’activité des publications des nouveaux utilisateurs qu’elle suit quotidiennement.

Hekkah, Thomas Cheneseau et Raphaël Isdant 2020 ©T. Cheneseau, R.Isdant

C’est ainsi qu’elle tisse peu à peu son propre réseau relationnel, scrutant indéfiniment les connections de chacun de ses abonnés. Son réseau social est sa sève, il lui permet d’exister et de persister dans nos mémoires. Pour l’exposition Melting Point, l’installation a été compliquée à réactiver tellement les réseaux sociaux ont renforcé et verrouillé leur politique d’utilisation. Il n’est plus possible de rebrancher Hekkahsur Facebook. C’est pour cette raison que nous l’avons délocalisée sur Twitter. Mise en scène par un dispositif de « miroir connecté » dans la salle d’exposition, Hekkahs’abonne à un nouveau profil Twitter à la détection de chaque visiteur afin d’étendre son réseau social ; s’il meurt, elle disparaît avec lui. L’ensemble des comptes est son « moteur » : plus son réseau est actif et publie du contenu, plus son « corps » sera graphiquement lisible dans la salle d’exposition. Grâce à l’ingéniosité technique de Raphaël Isdant, mais aussi au soutien du festival acces)s( pour pouvoir l’exposer au Bel Ordinaire, nous avons pu repenser le scénario et « ressusciter » Hekkahsur Twitter où elle partage des statuts et remercie en temps réel chaque nouvelle relation, mais nous sommes à la recherche d’aides, de subventions ou d’une résidence pour faire évoluer cette œuvre qui se voit détectée comme un « bot » par les réseaux sociaux, et limite notre champ d’action. »