2000, site Internet, vidéo, installation.
http://incident.net/works/revenances/
Réalisé avec Grégory Chatonsky, voix : Julie Morel
Une des croyances les plus répandues au sujet de l’au-delà de la mort veut que l’individu revienne sous une autre forme, celle du fantôme, du spectre, du double invisible de l’être prenant le relais après le décès[1]. Selon ces conceptions, bien qu’absents de ce monde, invisibles aux yeux des vivants, intangibles, les spectres continueraient néanmoins d’être présents et se manifesteraient par l’intermédiaire de médiums. Revenances propose de considérer le Web comme un de ces médiums, c’est-à-dire comme un espace de communication entre les vivants et les trépassés.
Le projet invite le spectateur à partir à la rencontre des fantômes, à tendre la main à ces présences captives de l’autre monde et à les y rejoindre. Son parcours l’amène à s’engager dans une succession de lieux dépouillés dont il ne subsiste que le tracé, silhouette réduite à son squelette. Dans ces salles évidées, des images floues d’êtres lointains apparaissent et disparaissent, échappant à la saisie et au dialogue. Le visiteur s’enfonce ainsi dans une mise en abyme de lieux, sans pouvoir retourner sur ses pas, atteindre une destination ou réaliser de véritables échanges. Retenu au sein de ce non-lieu, il se rend compte, peu à peu, que son propre comportement ressemble à celui des revenants dont il a perçu la présence fugace.
L’oeuvre rend ainsi manifestes l’ambiguïté spatiale du Web, ainsi que le statut – non moins problématique – de l’individu au sein de celui-ci et de la nature des échanges qui s’y déroulent. Dans ce non-lieu, le visiteur se déplace d’un nulle part à un autre, s’extrait de la vie, interrompt sa continuité dans l’espace réel pour adopter une cyber-identité, une cyber-existence. Il communique avec d’autres individus qui errent comme lui dans l’espace numérique, auto-effacés du réel, décorporalisés et déracinés eux aussi. Dans cet univers, le désir de l’autre subsiste néanmoins, mais s’agit-il toujours de l’autre, après tout? C’est bien ce sur quoi l’oeuvre porte à réfléchir. La « mort du contact humain » résultant des technologies de la communication ne signifie pas la mort du contact mais plutôt une certaine mort de l’humain, amenant à revoir, à tout le moins, l’indissociation corps-esprit, et à regarder du côté du dualisme. Elle demande de concevoir le rapport aux autres hors de cette adhérence corporelle, de cet ancrage physique, et de considérer les décalages et les transformations de l’être qui ont cours dans le cyberespace.
One of the most widespread beliefs about the afterlife is that a person can return to the world in another shape-as a ghost, spectre, or wraith, the invisible double of the deceased taking over after death.[1] According to these beliefs, although ghosts are not of this world and are invisible and intangible to the living, they are still present and can reveal themselves through a medium. Revenances suggests that the Web is such a medium: that is a space of communication between the living and the dead.
The project allows us to meet with ghosts, to hold out our hands to these captive presences from the other world and to join with them there. We pass through a series of structures reduced to their bare, skeletal outlines. In these empty rooms, shadowy images of remote beings appear and disappear; we cannot make them stay still, or speak with them. As the structures are embedded within each other, it is impossible to turn back, reach a destination, or achieve any real exchange. Caught in this non-place, we gradually realize that our behaviour has become like that of the ghosts whose ephemeral presence we have observed on the screen.
The work incites reflection on the spatial ambiguity of the Web, the (equally problematic) status of the individual within it, and on the nature of the interchanges that occur there. In this non-place, we move from one nowhere to another, cut adrift from life, having interrupted our continuity in real space to adopt a cyber-identity, a cyber-life. We communicate with other people who are roaming through digital space as we are, self-effaced from reality, disembodied and uprooted like us. In this universe, the need for the other subsists, but it is always really the other? This is precisely the question that the work raises. The « »death of human contact » » brought about by the development of communications technology does not mean the death of contact but rather a certain kind of death of the human being, bringing us to re-examine, at the very least, the inseparability of mind-body and to look at dualism. It calls on us to conceive of relations with others outside the limits of corporeal adherence, outside that anchor, and to consider the shifts and transformations of being that occur in cyberspace.
(Sylvie Parent)