Fan art
Vidéos, photographies, édition, dimensions variables, 2025

Ce projet explore la rencontre fictive entre l’artiste et des figures majeures de l’histoire de l’art, convoquées sous forme d’images hyperréalistes générées par intelligence artificielle. Assis à une table de café ou dans l’intimité d’un atelier, l’artiste se met en scène dans une posture familière : celle du dialogue, de l’échange complice. Mais cette complicité est illusoire : les interlocuteurs (Salvador Dalí, Louise Bourgeois, Andy Warhol, Barbara Kruger, ou encore des artistes contemporains) ne sont que des simulacres, des projections issues d’algorithmes.

L’œuvre se situe à l’intersection de plusieurs régimes d’images :

  • le portrait classique, où l’artiste devient sujet et modèle à la fois ;

  • l’autoportrait, qui interroge l’identité et la représentation de soi dans un espace partagé ;

  • le selfie, forme contemporaine du portrait social, marqué par son immédiateté et sa circulation sur les réseaux ;

  • enfin, l’image générée par IA, qui déplace les notions d’authenticité, de preuve et d’auteur.

Mais au-delà de cette hybridation formelle, ces images relèvent d’un geste d’appropriation : reprendre, détourner et réactiver des visages et des postures déjà connus, déjà inscrits dans l’histoire de l’art et dans l’imaginaire collectif. En les convoquant artificiellement, l’artiste rejoue la logique du fan art : une pratique qui mêle admiration, détournement et parfois transgression. Ici, la reproduction n’est pas simple copie, mais invention d’un espace de rencontre impossible, où l’archive se confond avec la fiction.

Ces opérations soulèvent également des enjeux de droit : qui détient l’image d’un artiste disparu ou vivant ? À qui appartient la représentation générée par une machine, lorsqu’elle s’appuie sur des corpus d’images préexistantes ? Ces portraits, entre hommage et détournement, révèlent les zones grises du droit d’auteur, de la reproduction et de l’appropriation visuelle. L’œuvre assume ainsi une position critique : elle met en lumière les tensions entre mémoire collective et propriété intellectuelle, entre circulation infinie des images et leurs restrictions juridiques.

En se mettant en scène avec ces « grands noms » de l’art, l’artiste interroge la tension entre culte des figures tutélaires et fabrique artificielle de rencontres. La photographie, devenue ici mise en scène d’une mémoire impossible, joue sur la nostalgie des « visites d’atelier », rite initiatique de la transmission artistique, et sur l’illusion d’une proximité offerte par les technologies numériques.

Ces images sont des rendez-vous inventés où la technologie convoque des présences, fabrique des souvenirs qui n’ont jamais eu lieu. Elles ressemblent à des archives, mais ne sont que traces fictives, simulacres d’une intimité jamais vécue. Chaque photographie devient alors une fable visuelle, où l’on croit deviner la complicité d’un échange, la chaleur d’une amitié, la force d’un regard partagé.

Ces portraits doubles, ni vrais ni faux, oscillent entre mémoire et invention, hommage et appropriation. Ils questionnent notre besoin de fabuler le passé pour mieux habiter le présent.
Ils invitent à se demander : que reste-t-il d’une rencontre quand elle n’a jamais eu lieu ? Et si ces images impossibles, au croisement du désir, du droit et de la fiction, étaient finalement les plus sincères des autoportraits ?